collecte des données de l'administration fiscale décembre 2022
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Le numéro de décembre 2022 du Particulier (groupe Figaro) traite de "ce que le fisc sait de vous".
mots clés: collecte de données, réseaux sociaux, contrôle du respect de la suppression, vie privée.
Première partie: jusqu'où le fisc peut-il fouiller dans votre vie privée?
Avec toutes les informations qui sont transmises automatiquement par les employeurs, les banques françaises et étrangères, les organismes sociaux mais aussi les plateformes de vente ou de location, l’administration fiscale n’ignore plus grand-chose de vous. Pour traiter cette montagne de données et mieux cibler les vérifications, Bercy mise sur l’intelligence artificielle et rénove de fond en comble le système d’information du contrôle fiscal. Ce projet colossal (76 mois de travail et 103 millions d’euros de budget), baptisé Pilat, devrait être achevé en 2025. Parmi les nouveaux outils, le traitement de données Galaxie réduira par exemple l’opacité des sociétés écrans grâce à la visualisation des liens entre associés, dirigeants et entreprises.
un accès élargi aux données bancaires
Le ministère des Finances semble vouloir profiter de cette modernisation pour déplacer des lignes, et pas des moindres. La future version du Fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), qui recense actuellement tous les comptes bancaires ouverts en France (voir p. 22), pourrait intégrer aussi les soldes et, à terme, les opérations. Sans qu’on sache l’usage qui en serait fait. Plus qu’une évolution, ce serait une vraie révolution puisque le fisc n’a accès à ces données sensibles qu’en usant de son droit de communication auprès des banques. « Généralement, l’administration l’exerce lorsqu’elle dispose d’éléments corroborant un manquement fiscal, la collecte des informations étant soumise au cadre plus contraignant du Livre des procédures fiscales », souligne Philippe Lorentz, avocat associé du cabinet August Debouzy. Révélé par la lettre spécialisée NextImpact, ce projet Ficoba 3 a été dévoilé dans un avis rendu par la direction interministérielle du numérique (Dinum) publié en octobre 2021 sur son site numerique.gouv.fr. On y apprend que Bercy a essuyé un avis défavorable sur l’intégration de ces données par la Dinum qui l’a invité à consulter la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Où en est ce projet ? La Direction générale des finances publiques (DGFIP) nous a répondu, en octobre 2022, qu’il n’était pas finalisé et que « les évolutions seront soumises à l’avis de la Cnil et du Parlement en temps voulu ». Il n’y a pas d’urgence puisque Ficoba 3 est annoncé pour fin 2024. La Cnil pourrait-elle avaliser une telle extension des données collectées ? L’autorité nous a affirmé qu’elle n’avait pas été saisie et ne pouvait donc pas se prononcer sur ce point. Mais, que de manière générale, une extension de Ficoba nécessiterait de préserver un strict équilibre entre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale et le respect des droits et libertés des personnes concernées.
Le précédent des réseaux sociaux
Un principe déjà mis en œuvre pour encadrer l’aspiration et le traitement automatisé des données des réseaux sociaux autorisé, à titre expérimental, pour 3 ans. Évoquée fin 2018 (voir le n° 1155 du Particulier, p. 22), l’expérience n’a été lancée qu’en 2021. Le temps nécessaire pour solliciter l’avis de la Cnil, obtenir un cadre légal des parlementaires (art. 154 de la loi de finances pour 2020), passer le contrôle du Conseil constitutionnel et publier le décret d’application (n° 2021-148 du 11.2.21). À l’arrivée, la surveillance des réseaux sociaux n’est autorisée que pour établir trois graves infractions : la fausse domiciliation dans le cadre d’enquête pour fraude fiscale, une activité professionnelle non déclarée ou des activités occultes. Les filets sont donc lancés et l’intelligence artificielle mobilisée pour confondre des non-résidents qui gardent des liens trop étroits avec la France, et repérer des activités non déclarées, plus ou moins licites, qui prospèrent sur internet (trafic de cigarettes, revente de produits achetés sur des plateformes étrangères, influenceurs...). « Les données aspirables peuvent provenir de réseaux sociaux ou de plateformes comme Twitter, Airbnb, Leboncoin, ou BlaBlaCar qui peut révéler des allers-retours entre la France et l’étranger », détaille Florence Chafiol, avocate associée du cabinet August Debouzy. Mais, rappelle l’experte, «le fisc ne peut collecter que les données publiques ». Il ne peut ni aspirer les contenus accessibles après avoir saisi un mot de passe ou s’être inscrit sur un site (Facebook) ni les commentaires de tiers. Quant à l’usage de logiciels de reconnaissance faciale sur des images - un temps redouté - il est interdit. Les filets tendus sur le Net remontent, bien sûr, une multitude de données sans lien avec des manquements fiscaux. Bercy a entre 5 et 30 jours pour les supprimer et jusqu’à un an pour effacer les autres si elles ne sont pas utilisées dans le cadre d’une procédure. « Reste à savoir comment on s’en assure et qui contrôle, s’interroge Me Mathilde Carle, avocate au cabinet Kramer Levin. Ces précisions ont dû être fournies par la DGFIP à la Cnil mais elles ne sont pas publiques. »
L’opacité des algorithmes
Pour Me Jerôme Labrousse, associé au même cabinet, et Me Carle, le meilleur garde-fou reste l’humain : « C’est un agent des impôts qui décide d’engager un contrôle. Cela permet de corriger les biais d’algorithmes programmés par une poignée d’experts. » Pour lutter contre l’opacité de ces programmes, « les contribuables sont en droit de réclamer des informations sur l’algorithme à l’origine de leur ciblage, en se fondant sur les articles L 311-3-1 et R 311-3-1-2 du code des relations entre le public et l’administration », rappelle Me Carle. Une analyse qui nous a été confirmée par la Cnil : « un contribuable peut demander les règles et les principales caractéristiques de mise en œuvre du traitement algorithmique. S’agissant de documents administratifs au sens de l’article L 300-2 de ce code, cela relève de la compétence de la Commission d’accès aux documents administratif, la Cada ». Pour en savoir plus, on attend, au terme des 18 premiers mois d’expérimentation de surveillance des plateformes et des réseaux sociaux, le rapport que Bercy doit produire aux parlementaires. La DGFIP a promis de le rendre sous peu. F. S.
Le résumé:
Avec toutes les informations qui sont transmises automatiquement par les employeurs, les banques, les organismes sociaux ou les plateformes de vente en ligne, le fisc n'ignore plus grand-chose de vous. Grâce à l'intelligence artificielle, l'administration fiscale croise les données pour détecter les erreurs et incohérences mais aussi pour mieux traquer les fraudeurs.Presque aucun revenu n'échappe à l'administration fiscale
Chaque année, le fisc progresse dans la collecte des données vous concernant. Depuis 2020, il a franchi une étape supplémentaire avec la mise en place de la déclaration automatique, qui « simplifie » la vie de quelque 11 millions de foyers fiscaux.
Le fisc connaît déjà tout ou presque de vos rentrées d'argent et il peut, pour la plupart d'entre vous, se passer de votre intervention pour déterminer le niveau de vos revenus. Et si des éléments échappent encore à l'administration fiscale, comme le solde ou les opérations sur vos comptes bancaires, sachez qu'elle a bien l'intention d'y avoir accès d'ici peu…
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La deuxième partie détaille la collecte de données concernant les revenus professionnels et les retraites, les revenus financiers, les revenus immobiliers, les revenus tirés des plateformes collaboratives.
extraits concernant les revenus tirés des plateformes collaboratives:
Le code général des impôts prévoit déjà, depuis plusieurs années, une obligation de déclaration à la charge de ces sites. Une directive européenne (DAC 7) modifie légèrement ces règles et instaure un échange automatique des données entre les pays européens, qui prendra effet en 2024 sur les transactions réalisées en 2023. Les activités visées sont la location de biens immobiliers ou de moyens de transport, la fourniture de services par un particulier et la vente de biens. Outre vos coordonnées et l’identifiant de votre compte bancaire, les sites doivent communiquer au fisc les sommes encaissées par leur intermédiaire, le nombre de transactions réalisées, les commissions et taxes prélevées ainsi que l’adresse des biens immobiliers loués avec leur numéro d’enregistrement foncier, le nombre et le type de location de chaque lot. Par exception, pour la vente de biens, les opérateurs n’ont pas à déclarer l’activité des personnes qui réalisent moins de 30 transactions par an pour un montant inférieur ou égal à 2 000 €.
Les plateformes devront déclarer les revenus provenant de biens situés en France ainsi que dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Si vous louez votre maison en Grèce par l’intermédiaire d’Airbnb ou d’Abritel, le fisc français connaîtra donc, grâce à cette nouvelle procédure d’échange, le montant des loyers que vous avez perçus. N. C.-K.
Cette partie se termine par:
Certaines de vos dépenses sont aussi communiquées au fisc
L’administration fiscale peut avoir accès à certaines charges déductibles de vos revenus ou dépenses ouvrant à une réduction ou à un crédit d’impôt. Si vous demandez à bénéficier du crédit d’impôt pour l’emploi d’une personne à domicile ou de celui attribué en contrepartie de la garde de vos jeunes enfants, le fisc connaît avec précision le montant de vos dépenses. Elles lui sont communiquées par l’Urssaf, si vous déclarez vos salariés par l’intermédiaire du Cesu ou de Pajempli. Sinon, il peut avoir accès aux sommes facturées si vous êtes passé par un organisme de services à la personne. Il connaît aussi le montant des versements sur les produits d’épargne retraite (PER, Perp, Préfon…) que vous pouvez déduire de vos revenus imposables grâce à l’imprimé fiscal unique (IFU).