[résumé] Vidéosurveillance en milieu rural
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Le LINC (le labo de prospective de la CNIL) vient de publier un dossier sur la vidéosurveillance dans les villages. Le voici en ligne ou en pdf.
C'est assez chouette, très sourcé, bon on s'en doute, peu de critique sur le rôle de cnil, ça fait une trentaine de pages, j'ai fait un résumé non-exhaustif que voici :
C'est un dossier visant à mettre en avant le développement de la vidéosurveillance dans les villages en France, à travers une analyse de la presse régionale (Nord et Bretagne) sur une dizaine d'années (2010-2021). La problématique est de dire que "le développement des dispositifs de surveillance doit être moins perçue comme une volonté manifeste de surveiller la population que comme une réponse technologique au défi organisationnel de rationalisation de l'activité policière sur les territoires".
En gros, que si la vidéosurveillance en milieu rural se développe, c'est plus car elle a été construite comme un outil de gouvernement, de rationalisation que pour surveiller à proprement parler la population. Que la surveillance de la population est un effet mais pas un objectif propre.- Dans une première partie, le dossier fait un historique de la vidéosurveillance en France : celle-ci s'est d'abord développée dans les zones urbaines et puis maintenant en zones rurales.
Après être revenu sur la période 1995-2007 qui constitue la première phase de déploiement de la vidéosurveillance, l'article insiste sur le fait que si les dispositifs de caméras se multiplient, c'est notamment à relier avec la place grandissante des maires dans les politiques de sécurité. Donne l'exemple du contrat de sécurité intégrée, entre une métropole et l'Etat : régulièrement les maires demandent plus de police nationale pour leur commune, ce à quoi l'Etat leur répond qu'il faut qu'ils développent leur maillage de vidéosurveillance. Le dispositif de sécurité intégrée est un contrat conditionnant l'apport de policiers nationaux dans une ville à l'augmentation de policiers municipaux et à l'ajout de plus de caméras). L'article veut montrer que si les élus installent des caméras, c'est notamment pour essayer d'améliorer l'allocation des ressources humaines (les flics) grâce aux caméras, comme une sorte de rationalisation de l'activité policière.
- Dans une deuxième partie, les auteurs.trices montrent de quelle manière l'installation des caméras survient au sein d'une commune. Comment la vidéosurveillance est mise à l'agenda, pourquoi etc.
Le dossier montre que la décision d'une municipalité d'installer un dispositif de vidéosurveillance est fortement corrélée avec l’occurrence de fait-divers (vols, cambriolage, dépôt ordure sauvage, rodéo urbain, dégradation etc). A cela, s'adjoint une pression convergente de différents acteurs, allant des commerçants locaux, groupe de voisins vigilants, à la gendarmerie, aux assurances qui deviennent plus cher pour les collectivités sans vidéosurveillance etc). Aussi, le rôle du référent sûreté départemental est souvent crucial. Celui-ci peut réaliser des audits pour les collectivités, les conseiller pour l'emplacement des caméras et joue un rôle dans l'attribution de subventions par le FIPD (fond interministériel pour la prévention de la délinquance)
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Ensuite, la troisième partie est consacrée à toutes les incitations financières qui rendent possible ce déploiement frénétique de la vidéosurveillance et comment l’État, les régions et départements ont construit un cadre propice à son déploiement.
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Enfin, la dernière partie se concentre sur la manière dont la vidéosurveillance se développe concrètement en milieu rural :
Une fois installée, les caméras ne sont jamais enlevées et au contraire, la dynamique est à la continuation du maillage territorial et l'achat d'équipement supplémentaire.
Tout d'abord, l'efficacité de la vidéosurveillance est très souvent mise en avant, et jamais démontrée : la littérature scientifique montre bien l’absence d'impact significatif de celle-ci sur la délinquance et le déplacement dans ses justifications : si au début, il est mis en avant la lutte contre le vol et les cambriolage, au final, celles-ci sont plutôt utilisées comme outil de gestion urbaine et de vidéoverbalisation. Aussi, la multitude d'acteurs poussant au déploiement de la vidéosurveillance a pour conséquence un système de production de croyance en leur efficacité.
Ensuite, les caméras possèdent un intérêt symbolique pour les collectivités : elles contribuent à une certaine attractivité territoriale (la sécurité est souvent mise en avant dans les médias locaux ou sur les sites web des communes). De plus, la sécurité constitue un capital politiquement valorisable, car c'est une ressource politique visible, chiffrable, notamment en période d'élection ou de bilan de mandat et souvent mise en avant dans les programmes électoraux.
La dépendance technologique : une fois commencé le maillage du territoire par des caméras, les collectivités continuent dans l'écrasante majorité des cas, ils parlent de "trous dans la raquette" qu'il faudra combler. Aussi, les cas de défaillance techniques des caméras sont nombreux, la maintenance coûte cher, et les caméras sont très vites obsolètes. Les élus ont alors tendance à installer des technologies de plus en plus récente et intrusives sans jamais remettre ne cause l'utilité de celles-ci.Le dossier se termine l'analyse automatisée des images des caméras, en disant que l'utilisation de logiciel tel que Briefcam était très marginal en milieu rural était marginal selon eux et elles mais qu'ils risquaient de se multiplier.
Ensuite un encadré sur le dispositif des voisins vigilants.