Articulation luttes locales / luttes nationales / luttes globales
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Je lisais cet article sur la décentralisation des luttes écologistes, et je trouve que ça fait écho à certaines réflexions ou choix faits dans la lutte contre la surveillance policière et la manière dont la campagne Technopolice essaie d'outiller et d'articuler entre eux des combats contre des projets locaux.
On est loin de jouer dans la même cour avec mais il me semble aussi que dans les groupes locaux Technopolice qui se mettent en place, on trouve aussi une plus grande diversité sociale (encore largement insuffisante), et qu'on renoue aussi la possibilité de rapports de force plus intéressants, efficaces, et pertinents qu'au travers des répertoires d'actions traditionnels déployés au niveau national (manif, plaidoyers, recours contre le gouvernement, ...).
(...) Le mouvement de « résistance aux projets destructeurs » ne cesse de se renforcer. Il compte désormais plus de 400 collectifs locaux répartis sur l’ensemble du territoire – contre environ 200 en 2019, et une quarantaine en 2015 – regroupant des dizaines de milliers d’opposants, selon Terres de luttes. « On est face à un mouvement social décentralisé qui commence à s’assumer en tant que tel », estime Léa Sébastien, maîtresse de conférences en géographie à l’université Toulouse-II et chercheuse sur les conflits d’aménagement.
Au-delà du changement d’ampleur, elle note une évolution de la nature de ces mouvements, avec une « alliance presque systématique entre des habitants qui veulent défendre un territoire et des militants qui veulent défendre une idée ». Les riverains opposés à un projet, qui n’avaient souvent jamais manifesté auparavant, sont rejoints par des activistes écologistes, notamment d’Extinction Rebellion ou de Youth for Climate, des paysans, des naturalistes ou des syndicalistes, rassemblés pour des raisons différentes – le climat, la pollution, les nuisances, la destruction d’espaces naturels, la biodiversité ou la remise en cause du capitalisme. De quoi donner aux collectifs une hétérogénéité sociale, politique et d’âge qui fait défaut au mouvement climat.
« Beaucoup de militants se lassent des marches climat, qui permettent de sensibiliser et de recruter, mais peuvent être parfois hors sol. Plutôt que de seulement appeler à agir dans la rue, on veut agir véritablement sur le terrain », témoigne Léna Lazare, membre de Youth for Climate. D’autant que les luttes locales « rendent le sujet du dérèglement climatique vraiment concret », comme la sécheresse « qui empire tous les ans dans le Marais poitevin », là où des militants s’opposent aux projets de mégabassines.
Si les luttes locales séduisent toujours davantage, c’est aussi parce que « c’est là où l’on peut gagner des victoires », alors que l’échelon national apparaît « bloqué » après la loi Climat, juge Chloé Gerbier. Les militants recensent une quarantaine de projets abandonnés depuis trois ans à la suite de la mobilisation des habitants. Loin d’être uniquement des enjeux locaux**, ces luttes ont aussi « le pouvoir de remettre en cause les politiques nationales »**, avertit Victor Vauquois.
« Les deux se nourrissent, s’articulent », abonde Etienne Coubard, chargé de campagne surproduction aux Amis de la Terre. Les collectifs contre les grands entrepôts d’e-commerce, dont il anime la coalition, « ont conscience que l’enjeu n’est pas l’implantation sur tel ou tel territoire, mais de stopper l’hémorragie de ces plates-formes qui artificialisent les sols, détruisent les emplois et augmentent la production », explique-t-il. La coalition demande un moratoire sur ces implantations – rejeté lors de la loi Climat – car malgré des victoires, « on arrive juste à ralentir Amazon et les autres, on ne les stoppe pas ». « Cela demande beaucoup d’énergie, d’argent, c’est éprouvant », confie Etienne Coubard, qui se félicite toutefois d’avoir « fait progresser la bataille culturelle » sur le sujet. -
Je peux pas lire tout l'article (paywall), mais je trouve qu'il y a beaucoup à puiser dans les luttes écologistes et les mouvements de désobéissance civile, qui portent directement vers des actions concrètes qui n'engagent pas nécessairement sur plusieurs années de lutte ou sur une logique nationale qui freine énormément.
À rapprocher de ce que théorisait Alinsky dans Rules for Radicals, sur les petites luttes et les petites victoires locales qui permettent, non seulement d'avancer, mais aussi de donner un sens au militantisme et de garder un attrait permanent (d'autant plus que la remise en question au sein d'un petit groupe est nettement plus aisée que dans une organisation plus large qui a ses dogmes et sa doxa)
Une lutte à grande échelle se voit venir de loin et laisse le temps à l'opposant de réagir, surtout étant en position de force. De plus petites actions sont pertinentes dans la mesure où elles surprennent par leur diversité et défrayent plus souvent la chronique.
Les deux sont des leviers complémentaires je pense.Par très convaincu de la grande diversité sociale ceci dit, même au sein des luttes écologistes.