Libourne sous surveillance
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Libourne, ville sous surveillance
« Bonjour. Vous êtes dans une zone où le port du masque est obligatoire, veuillez le mettre. » Le passant s’arrête, interloqué, regarde autour de lui, cherche à comprendre d’où vient cette voix presque divine. Dans la salle du centre de supervision urbain (CSU), Fabien Ratouin, brigadier-chef principal et opérateur vidéo, regarde déjà une autre image. Une vingtaine d’écrans sont allumés, permettant d’observer une centaine de points névralgiques. Les fenêtres des maisons sont noircies pour préserver la vie privée des habitants, mais tout le reste est visible et placé sous la surveillance de caméras dont l’une, expérimentale, est « parlante ». « J’ai cru que le terrain allait me manquer, mais en fait non », raconte M. Ratouin, ancien gendarme, alors qu’il zoome sur l’entrée du lycée Max-Linder. La veille, une agression devant une agence BNP a tout de suite été repérée, et l’agresseur arrêté.
Depuis le début de l’année, la ville de Libourne est dotée de cet outil sécuritaire, qui place cette bourgade girondine de 25 000 habitants à la pointe des techniques de vidéosurveillance. « Le dispositif joue sur la honte publique. C’est très efficace », résume Jean-Louis Arcaraz, adjoint au sport, à la sécurité et la prévention. L’évolution de la technologie permet de cadrer une plaque d’immatriculation ou de rechercher un homme en tee-shirt rouge à travers la ville. Les images sont envoyées dans les voitures de police et à la gendarmerie. Conservées trente jours, elles peuvent être réquisitionnées, en cas de besoin, par un officier de police judiciaire.
Depuis 2016, les 20 membres de la police municipale sont eux-mêmes équipés de caméras destinées à filmer les interpellations. « J’ai une fois été agressé par un homme qui a nié ensuite au tribunal, se souvient Olivier Horrut, responsable du service. Les images ont pu rétablir la vérité. Elles nous protègent comme elles protègent le citoyen. Un opérateur vidéo vaut deux patrouilles. Mais il faut de l’humain derrière la caméra. »
Cambriolages évités« L’humain » est aussi derrière un projet encore plus étonnant, lié au logiciel Smart Predict. Testé ici depuis deux ans, ce dernier est pleinement opérationnel depuis dix mois. Nourri des « mains courantes », des remontées d’interventions et de tout ce que peuvent y ajouter, selon les circonstances, bailleurs, soignants, assistants sociaux, etc., il fait pour ainsi dire basculer le service de police municipale de Libourne dans Minority Report (2002), le film de Steven Spielberg, avec Tom Cruise, dans lequel trois mutants doués de précognition peuvent prédire les crimes à venir.
Sur l’écran de son ordinateur, M. Horrut fait défiler différents types d’agression : atteintes aux personnes, disparitions, cambriolages… Smart Predict mouline des statistiques, classe et analyse des faits, calculant la fréquence de tel délit dans tel quartier, intégrant même les conditions météo à ses calculs. Son but : établir autant que possible la probabilité des infractions. Reste à la police d’être là avant le passage à l’acte et non plus après. Plusieurs cambriolages ont ainsi pu être évités et leurs auteurs arrêtés en flagrant délit.
Pourquoi ici ? Libourne n’a rien d’un Chicago des années 1930, et son maire socialiste, Philippe Buisson, ancien conseiller de François Hollande, se définit comme « de gauche et pragmatique ». Ville « périmétropolitaine », satellite de Bordeaux, elle rejoint, par sa partie nord, le « croissant de la pauvreté », zone en large partie viticole qui part du Nord-Médoc, passe par la Haute-Gironde et Blaye, redescend en contournant la métropole vers Libourne, puis embrasse l’Entre-deux-Mers pour finir du côté de Marmande et de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). Cette pauvreté génère son lot de délits. « Le trafic de stupéfiants est à la base de la majorité des difficultés que nous rencontrons. Environ 80 % de la délinquance y est liée », poursuit Jean-Louis Arcaraz, son adjoint, ancien addictologue. A ce trafic s’ajoutent de gros problèmes d’incivilités et d’alcoolisme. « L’agressivité grandit. Les pompiers, les médecins se font insulter en intervention », accuse Olivier Horrut.
Sur le site Ville-ideale.fr, qui permet aux habitants de juger le bien-être dans leur commune, Libourne (16,9 % de jeunes entre 15 et 29 ans, un taux de chômage de 19,3 %) récolte une note à peine supérieure à 6 sur 10. La plupart des commentaires négatifs relèvent (avec force considérations racistes…) l’insécurité dans le centre-ville, le deal et les fumeurs de cannabis errant entre la gare et la place de la mairie, reliées par une grande artère piétonne, la rue Gambetta. « Une minorité de jeunes pose problème, et nous la connaissons bien », continue M. Horrut.
« Electrochoc sécuritaire »
Aujourd’hui, c’est la multiplication des squats, souvent regroupés dans le quartier nord, qui inquiète. Des filières organisées toujours plus nombreuses ramènent des travailleurs du Maghreb pour travailler dans les vignes, leur font – ou non – des contrats de travail léonins (800 euros par mois pour trente journées de douze heures, par exemple) et les laissent se débrouiller. Errance, chapardage, alcoolisation s’ensuivent. « Ils cambriolent des restaurants non pour piquer la recette, mais pour récupérer de quoi manger, constate Olivier Horrut. Nous fermons ces squats, mais ils rouvrent. Beaucoup de propriétaires s’en moquent. Quand ce sont des indivisions, c’est encore plus difficile… »
Pour la commune, cette option sécuritaire a un coût important : de 350 000 à 400 000 euros par an. Mais le maire assume ses choix. « Il y avait, il y a dix ans, un « Libourne bashing » autour du sentiment d’insécurité, raconte-t-il. Il a fallu créer un électrochoc sécuritaire. Nous avons été parmi les premiers à aller aussi vite et aussi loin. » Aujourd’hui, plus de 6 000 communes françaises sont équipées de caméras de surveillance, soit quinze fois plus qu’en 2006, et il y en aurait 60 000 sur l’ensemble du territoire. Nice est en tête, avec 2 600 caméras, soit une pour 130 habitants en moyenne.
A Libourne, le renforcement de la police municipale, désormais armée de jour comme de nuit, et la création d’une équipe de nuit – six agents ont été recrutés – ont précédé le développement de la vidéosurveillance et l’utilisation du logiciel prédictif. Au conseil municipal, le consensus règne sur cette stratégie. Un comité d’éthique a été créé afin de recueillir d’éventuelles plaintes de citoyens, mais n’en a pour l’instant reçu aucune. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), venue en visite il y a quatre ans, a rappelé l’interdiction de filmer dans les magasins, mais n’a rien noté de gênant. Si quelques cartes postales avec des étrons en lieu et place des caméras ont été envoyées à la mairie, aucune d’entre elles n’a été dégradée. « Les gens râlent plus pour en demander d’autres que pour se plaindre de leur présence », assure M. Arcaraz.
logiciel prédictif y sont à l’essai.
« Bonjour. Vous êtes dans une zone où le port du masque est obligatoire, veuillez le mettre. » Le passant s’arrête, interloqué, regarde autour de lui, cherche à comprendre d’où vient cette voix presque divine. Dans la salle du centre de supervision urbain (CSU), Fabien Ratouin, brigadier-chef principal et opérateur vidéo, regarde déjà une autre image. Une vingtaine d’écrans sont allumés, permettant d’observer une centaine de points névralgiques. Les fenêtres des maisons sont noircies pour préserver la vie privée des habitants, mais tout le reste est visible et placé sous la surveillance de caméras dont l’une, expérimentale, est « parlante ». « J’ai cru que le terrain allait me manquer, mais en fait non », raconte M. Ratouin, ancien gendarme, alors qu’il zoome sur l’entrée du lycée Max-Linder. La veille, une agression devant une agence BNP a tout de suite été repérée, et l’agresseur arrêté.
L’hôtel de ville de Libourne (Gironde), le mardi 28 septembre 2021, jour de marché.
L’hôtel de ville de Libourne (Gironde), le mardi 28 septembre 2021, jour de marché.
Dans le centre de supervision urbain de la police de Libourne (Gironde), le 28 septembre 2021. A gauche, sur l’écran défile la liste des caméras de la ville. A droite, le micro permettant de communiquer avec les passants grâce à la caméra « parlante » de la rue Clément-Thomas.
Dans le centre de supervision urbain de la police de Libourne (Gironde), le 28 septembre 2021. A gauche, sur l’écran défile la liste des caméras de la ville. A droite, le micro permettant de communiquer avec les passants grâce à la caméra « parlante » de la rue Clément-Thomas.Depuis le début de l’année, la ville de Libourne est dotée de cet outil sécuritaire, qui place cette bourgade girondine de 25 000 habitants à la pointe des techniques de vidéosurveillance. « Le dispositif joue sur la honte publique. C’est très efficace », résume Jean-Louis Arcaraz, adjoint au sport, à la sécurité et la prévention. L’évolution de la technologie permet de cadrer une plaque d’immatriculation ou de rechercher un homme en tee-shirt rouge à travers la ville. Les images sont envoyées dans les voitures de police et à la gendarmerie. Conservées trente jours, elles peuvent être réquisitionnées, en cas de besoin, par un officier de police judiciaire.
100 « Fragments de France »
A six mois de l’élection présidentielle, Le Monde brosse un portrait inédit du pays. 100 journalistes et 100 photographes ont sillonné le terrain en septembre pour dépeindre la France d’aujourd’hui. Un tableau nuancé, tendre parfois, dur souvent, loin des préjugés toujours. Ces 100 reportages sont à retrouver dans un grand format numérique.
Depuis 2016, les 20 membres de la police municipale sont eux-mêmes équipés de caméras destinées à filmer les interpellations. « J’ai une fois été agressé par un homme qui a nié ensuite au tribunal, se souvient Olivier Horrut, responsable du service. Les images ont pu rétablir la vérité. Elles nous protègent comme elles protègent le citoyen. Un opérateur vidéo vaut deux patrouilles. Mais il faut de l’humain derrière la caméra. »
Cambriolages évités« L’humain » est aussi derrière un projet encore plus étonnant, lié au logiciel Smart Predict. Testé ici depuis deux ans, ce dernier est pleinement opérationnel depuis dix mois. Nourri des « mains courantes », des remontées d’interventions et de tout ce que peuvent y ajouter, selon les circonstances, bailleurs, soignants, assistants sociaux, etc., il fait pour ainsi dire basculer le service de police municipale de Libourne dans Minority Report (2002), le film de Steven Spielberg, avec Tom Cruise, dans lequel trois mutants doués de précognition peuvent prédire les crimes à venir.
Lire aussi Article réservé à nos abonnés A Toulouse, l’Etat et la mairie signent le premier « contrat de sécurité intégrée »Sur l’écran de son ordinateur, M. Horrut fait défiler différents types d’agression : atteintes aux personnes, disparitions, cambriolages… Smart Predict mouline des statistiques, classe et analyse des faits, calculant la fréquence de tel délit dans tel quartier, intégrant même les conditions météo à ses calculs. Son but : établir autant que possible la probabilité des infractions. Reste à la police d’être là avant le passage à l’acte et non plus après. Plusieurs cambriolages ont ainsi pu être évités et leurs auteurs arrêtés en flagrant délit.
Au centre de police de Libourne (Gironde), Jean-Louis Arcaraz, à gauche, adjoint à la sécurité, et Olivier Horrut, responsable de la police municipale, entourent l’agent opérateur.
Au centre de police de Libourne (Gironde), Jean-Louis Arcaraz, à gauche, adjoint à la sécurité, et Olivier Horrut, responsable de la police municipale, entourent l’agent opérateur.
Avant que la brigade de nuit ne parte en patrouille, le logiciel Smart Predict est consulté et permet d’établir les lieux les plus à risques de Libourne (Gironde).
Avant que la brigade de nuit ne parte en patrouille, le logiciel Smart Predict est consulté et permet d’établir les lieux les plus à risques de Libourne (Gironde).Pourquoi ici ? Libourne n’a rien d’un Chicago des années 1930, et son maire socialiste, Philippe Buisson, ancien conseiller de François Hollande, se définit comme « de gauche et pragmatique ». Ville « périmétropolitaine », satellite de Bordeaux, elle rejoint, par sa partie nord, le « croissant de la pauvreté », zone en large partie viticole qui part du Nord-Médoc, passe par la Haute-Gironde et Blaye, redescend en contournant la métropole vers Libourne, puis embrasse l’Entre-deux-Mers pour finir du côté de Marmande et de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). Cette pauvreté génère son lot de délits. « Le trafic de stupéfiants est à la base de la majorité des difficultés que nous rencontrons. Environ 80 % de la délinquance y est liée », poursuit Jean-Louis Arcaraz, son adjoint, ancien addictologue. A ce trafic s’ajoutent de gros problèmes d’incivilités et d’alcoolisme. « L’agressivité grandit. Les pompiers, les médecins se font insulter en intervention », accuse Olivier Horrut.
Sur le site Ville-ideale.fr, qui permet aux habitants de juger le bien-être dans leur commune, Libourne (16,9 % de jeunes entre 15 et 29 ans, un taux de chômage de 19,3 %) récolte une note à peine supérieure à 6 sur 10. La plupart des commentaires négatifs relèvent (avec force considérations racistes…) l’insécurité dans le centre-ville, le deal et les fumeurs de cannabis errant entre la gare et la place de la mairie, reliées par une grande artère piétonne, la rue Gambetta. « Une minorité de jeunes pose problème, et nous la connaissons bien », continue M. Horrut.
« Electrochoc sécuritaire »Aujourd’hui, c’est la multiplication des squats, souvent regroupés dans le quartier nord, qui inquiète. Des filières organisées toujours plus nombreuses ramènent des travailleurs du Maghreb pour travailler dans les vignes, leur font – ou non – des contrats de travail léonins (800 euros par mois pour trente journées de douze heures, par exemple) et les laissent se débrouiller. Errance, chapardage, alcoolisation s’ensuivent. « Ils cambriolent des restaurants non pour piquer la recette, mais pour récupérer de quoi manger, constate Olivier Horrut. Nous fermons ces squats, mais ils rouvrent. Beaucoup de propriétaires s’en moquent. Quand ce sont des indivisions, c’est encore plus difficile… »
Olivier Horrut, à droite, responsable de la police municipale de Libourne, et Jean Louis Arcaraz, adjoint à la sécurité, échangent autour du logiciel Smart Predict, le 28 septembre 2021.
Olivier Horrut, à droite, responsable de la police municipale de Libourne, et Jean Louis Arcaraz, adjoint à la sécurité, échangent autour du logiciel Smart Predict, le 28 septembre 2021.Pour la commune, cette option sécuritaire a un coût important : de 350 000 à 400 000 euros par an. Mais le maire assume ses choix. « Il y avait, il y a dix ans, un « Libourne bashing » autour du sentiment d’insécurité, raconte-t-il. Il a fallu créer un électrochoc sécuritaire. Nous avons été parmi les premiers à aller aussi vite et aussi loin. » Aujourd’hui, plus de 6 000 communes françaises sont équipées de caméras de surveillance, soit quinze fois plus qu’en 2006, et il y en aurait 60 000 sur l’ensemble du territoire. Nice est en tête, avec 2 600 caméras, soit une pour 130 habitants en moyenne.
A Libourne, le renforcement de la police municipale, désormais armée de jour comme de nuit, et la création d’une équipe de nuit – six agents ont été recrutés – ont précédé le développement de la vidéosurveillance et l’utilisation du logiciel prédictif. Au conseil municipal, le consensus règne sur cette stratégie. Un comité d’éthique a été créé afin de recueillir d’éventuelles plaintes de citoyens, mais n’en a pour l’instant reçu aucune. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), venue en visite il y a quatre ans, a rappelé l’interdiction de filmer dans les magasins, mais n’a rien noté de gênant. Si quelques cartes postales avec des étrons en lieu et place des caméras ont été envoyées à la mairie, aucune d’entre elles n’a été dégradée. « Les gens râlent plus pour en demander d’autres que pour se plaindre de leur présence », assure M. Arcaraz.
Les policiers de la brigade de nuit de Libourne (Gironde), le 28 septembre 2021.
Les policiers de la brigade de nuit de Libourne (Gironde), le 28 septembre 2021.
A Libourne (Gironde), les policiers peuvent consulter les images des caméras de vidéosurveillance dans leur voiture de patrouille, grâce à une tablette numérique.
A Libourne (Gironde), les policiers peuvent consulter les images des caméras de vidéosurveillance dans leur voiture de patrouille, grâce à une tablette numérique.Jean-Claude Forgeat, lui, râle parce que « tout ça ne sert à rien ». Ce sexagénaire à la barbe blanche est assis à l’une des tables de son café-restaurant, la Brasserie du lycée, situé en haut de la rue piétonne. Il y a trois ans, il avait secoué la ville en fermant son établissement pour protester contre les incivilités. Une pétition avait circulé, réunissant 2 300 signatures. S’il concède que la création d’une brigade de nuit au sein de la police municipale de nuit a eu un impact, il conteste celui des caméras. « Elles sécurisent aussi le trafic. Aux abords du lycée, les dealers savent qu’ils ne seront pas attaqués par la concurrence : une agression ferait immédiatement intervenir la police, ce qu’une simple transaction ne provoque pas systématiquement. »
A l’avenir, il est prévu d’agrandir le CSU, qui devrait fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D’autres villes et villages de la région sont venus voir ce que fait Libourne. « Il faut continuer, mais les maires ne sont pas des shérifs, poursuit le maire, Philippe Buisson. L’Etat à tendance à oublier que la sécurité relève du régalien. Il faudra trancher entre lui et les collectivités sur ce que chacun doit faire. Je m’apprête ainsi à signer un contrat de sécurité intégré avec la préfecture, qui fixera des objectifs. »
Ping @martin qui a pointé le projet et l'article :)
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Pour info une demande CADA est partie à la ville sur MaDada en privé en juin, j'essaye de récupérer ce qu'ils ont répondu.
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@eda Merci! S'y trouvent de quoi alimenter le pad arguments/contre-arguments.
1/La veille, une agression devant une agence BNP a tout de suite été repérée, et l’agresseur arrêté.
La Technopolice apporte du confort immédiat aux services de sécurité qui en oublie les travers. Le "tout de suite" suggère qu'il faudrait se satisfaire de la rapidité de traitement du fait divers. La vitesse plutôt que la qualité.
Car elle est où la victime?
Pour le journaliste elle est cachée dans "agression".
Pour le gendarme, elle est un chiffre d'abord puis une identité numérique qui donnera lieu à des préjugés si, par ex, elle a été condamnée pour outrages à agent.
Quelle place donne la Technopolice à la victime?
La technopolice accentue des défauts. L'obsession porte sur "trouver l'agresseur le plus vite possible". Elle accentue la distance avec la victime qui devient un personnage de film muet animé. La priorité pour la victime est d'être prise en charge psychologiquement or non selon la Technopolice la priorité est que la durée de traitement de l'affaire soit la plus courte possible, quoi qu'il en coûte en perte de libertés. Chaque cas d'agression est différent côté victime (pas de conséquence à psychotraumatisme) mais toujours un même nouveau chiffre côté technopolice.
La Technopolice répond aux injonctions néolibérales du "si la technologie permet d'accélérer le temps alors obéissez-lui", "faîtes-en une valeur de votre travail". Amazon a réussi à mettre dans la tête de consommateurs qu'être livré le plus vite possible, quoi qu'il en coûte au vivant, devait devenir une addiction dont ils doivent être fiers. Alors que la honte devrait être là. Inversion des valeurs.2/ Le dispositif joue sur la honte publique. C’est très efficace .
La lecture de la PQR, presse quotidienne régionale, montre que la honte publique est évoquée par des personnes qui subissent la pauvreté. Elles ont honte d'être vues portant des sacs alimentaires en revenant des resto du coeur, elles ont honte de dépendre du RSA parce qu'une partie des médias et des politiques les insultent en les faisant passer pour des fainéantes etc.
Pour compléter, extraits:
"A la limite, la honte fait craindre de perdre la qualité d'être humain. (...) Et c'est aussi pourquoi elle est l'arme privilégiée de la domination sur tous ceux qui sont en situation de fragilité. Les enfants, les chômeurs, les femmes battues ou abandonnées, les membres des minorités ethniques, tous les laissés-pour-compte sont faciles à déstabiliser par la honte."
Livre "la honte - psychanalyse d'un lien social' de Serge Tisseron.
conclusion: la honte publique est une arme à manier avec précaution et en maîtrisant les tenants et aboutissements.3/ J’ai une fois été agressé par un homme qui a nié ensuite au tribunal (...). Les images ont pu rétablir la vérité. Elles nous protègent comme elles protègent le citoyen. Un opérateur vidéo vaut deux patrouilles. Mais il faut de l’humain derrière la caméra.
Un bénéfice personnel ne justifie pas une généralisation.
4/ Smart Predict mouline des statistiques (...) Reste à la police d’être là avant le passage à l’acte et non plus après. Plusieurs cambriolages ont ainsi pu être évités et leurs auteurs arrêtés en flagrant délit.
Aucune évocation de tous les travers documentés aux Etats-Unis comme si ces élus gobaient et ne s'informaient pas par eux-mêmes. Pas besoin de logiciel pour savoir que tel quartier attire les vols, travailler sur les données passées etc.
Le monde bouge mais pas leur pensée.5/ Cette pauvreté génère son lot de délits. Le trafic de stupéfiants est à la base de la majorité des difficultés que nous rencontrons. Environ 80 % de la délinquance y est liée. (...) A ce trafic s’ajoutent de gros problèmes d’incivilités et d’alcoolisme. (...) Une minorité de jeunes pose problème, et nous la connaissons bien.
Tout est dit. Comment la Technopolice va-t-elle régler ce problème de pauvreté? ;o)
6/ Les gens râlent plus pour en demander d’autres que pour se plaindre de leur présence
Les personnes autoritaires font entendre leur voix. Un classique. Et il est rare de se souvenir des habitants qui réclament à leurs élus de s'occuper des problèmes sécuritaires ou des incivilités avec amour ou respect.
7/ S’il concède que la création d’une brigade de nuit au sein de la police municipale de nuit a eu un impact, il conteste celui des caméras. « Elles sécurisent aussi le trafic. Aux abords du lycée, les dealers savent qu’ils ne seront pas attaqués par la concurrence :une agression ferait immédiatement intervenir la police, ce qu’une simple transaction ne provoque pas systématiquement.
Voilà. Adaptation du trafic de drogues à la Technopolice.
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@kanopai a dit dans Libourne sous surveillance :
"A la limite, la honte fait craindre de perdre la qualité d'être humain. (...) Et c'est aussi pourquoi elle est l'arme privilégiée de la domination sur tous ceux qui sont en situation de fragilité. Les enfants, les chômeurs, les femmes battues ou abandonnées, les membres des minorités ethniques, tous les laissés-pour-compte sont faciles à déstabiliser par la honte."
Vincent Dubois « Contrôler les assistés » : ce sont les précaires qui sont les plus contrôlés
"Contrôler les assités" V. Dubois ICI -
Vincent Dubois « Contrôler les assistés » : ce sont les précaires qui sont les plus contrôlés
"Contrôler les assités" V. Dubois ICIOui merci pour le conseil! Il est sur ma pile de livres :o)
Un résumé intéressant pour ceux qui n'auront pas le temps de le lire:
https://maisouvaleweb.fr/fraude-sociale-comment-la-france-sacharne-sur-les-pauvres/ -
@kanopai merci pour le lien du résumé !
Et concernant Libourne, lien d'un reportage de tf1 https://twitter.com/WshAl3x/status/1475580983164522500 où on voit bien la vidéosurveillance automatisée et les haut parleur dans la ville...
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@alouette a dit dans Libourne sous surveillance :
@kanopai merci pour le lien du résumé !
Et concernant Libourne, lien d'un reportage de tf1 https://twitter.com/WshAl3x/status/1475580983164522500 où on voit bien la vidéosurveillance automatisée et les haut parleur dans la ville...
Merci!
Des passants filmés 24h/24h, un policier filme avec sa tablette depuis un véhicule et images transmises en temps réel au CSU etc , donc l'espace public appartient à la police.
Et tout cet argent dépensé dans des produits informatiques dont la durée de vie sera courte...Quelle tristesse!
Et en même temps une vidéo qui motive à participer à la boîte à arguments.