Des études sur l'efficacité de la vidéosurveillance
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Salut ! Il y a un professeur et chercheur à l'université de Bourgogne dont c'est la spécialité. Sur cette page se trouve une liste de papiers sur le sujet. Je n'ai pas le temps de les éplucher dans l'immédiat mais je pense que tu trouveras des infos
https://cimeos.u-bourgogne.fr/3-equipes/enseignants-chercheurs/96-eric-heilmann.html -
Et on veut bien le CR de tes recherches ;)
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Quelques éléments pour défricher le sujet :
Dès 2008, un représentant de Scotland Yard déclarait au sujet des nombreuses caméras de Londres :
« Billions of pounds has been spent on kit, but no thought has gone into how the police are going to use the images and how they will be used in court. It's been an utter fiasco: only 3% of crimes were solved by CCTV. »
(Des millions de £ ont été dépensées [pour ce système], mais personne n'a pensé à comment la police allait utiliser les images, ou à leur utilisation en justice. Ça a été un fiasco complet : seulement 3 % des infractions ont été résolues grâce à la vidéosurveillance.)L'année suivante, la Metropolitan Police estimait cette efficacité à une infraction résolue pour 1000 caméras installées, dans un article de The Independant.
En France, en 2011, la Cour des comptes pointait du doigt plusieurs problèmes depuis les autorisations jusqu'à l'évaluation de terrain. Extraits de 2 articles du Monde :
« [La Commission départementale de vidéoprotection] ne se rend jamais sur place. De fait, elle n’a aucune marge d’appréciation et son rôle est exclusivement formel : elle s’assure que le formulaire de demande est correctement rempli et que les pièces exigées sont jointes.
La préfecture “oublie” aussi régulièrement de rappeler les règles de vigilance “quant à la qualité des personnes chargées de l’exploitation du système de surveillance ou visionnant les images”.
La ville [de Lyon] a évalué l’efficacité du dispositif dans 57 zones, surveillées et non surveillées. Dans les premières, la délinquance a diminué de 23,5% en trois ans. Dans les secondes, de 21,9%. La différence n’est donc pas significative. Et parmi les délits élucidés, une quantité négligeable l’ont été grâce à l’usage de caméras.
[...] les statistiques départementales présentent parfois une grande instabilité, qui peut faire douter de leur fiabilité.
[...] dans le Haut-Rhin, où une baisse de 12,2 % en 2008 a laissé place à une hausse de 14,6 % l'année suivante. Ce phénomène a été observé en Gironde, dans la Manche, le Morbihan, l'Orne, l'Oise, l'Ain, en Ille-et-Vilaine, Haute-Corse et Savoie.
[...] la Cour estime le coût d’une caméra à 7400 euros par an. Au total, les dépenses de fonctionnement représentent 300 millions d’euros chaque année, supportées par les collectivités territoriales. »
Un constat partagé la même années par les chambres régionales, d'après InternetActu :
Les rapports des Cours des comptes régionales sur ces questions, par exemple à Saint-Étienne en 2010, montrent combien l’efficacité est dérisoire. Pour un coût de 1,3 million d’euros annuels, le taux de faits « repérés ou élucidés » culmine à 2 % sur l’année. À Lyon, à la même époque, un autre rapport montrait que pour un coût de 2,7 à 3 millions par an, c’est seulement 0,7 à 1,6 % des faits délictueux sur la voie publique qui ont recours aux images de vidéosurveillance. Nice (ville emblématique puisque grande ville la mieux équipée avec une caméra pour 600 habitants), le taux de participation à l’élucidation serait de 1,2 %, pour un coût en constante augmentation qui devrait dépasser les 17 millions d’euros annuels en 2018 !
Dans un dossier de La gazette des communes en 2014, le sociologue Tanguy Le Goff remarque des problèmes méthodologiques dans la communication des mairies
Ce sont systématiquement des statistiques globales sur la délinquance. Or aucune ville n’est en mesure d’affirmer qu’une baisse de la criminalité est due à ses caméras de surveillance, à sa police municipale, ou, par exemple, à ses actions de médiation. Aucune n’a mesuré les éventuels déplacements de la criminalité : dans l’espace, de cibles ou tactiques.
Le chercheur Laurent Mucchielli avance plusieurs élements dans son étude sur Le bluff de la vidéosurveillance et dans les interviews. Estimant l'ensemble du dispositif à « au moins 150 000 caméras de rue, et plus de 1,5 million de caméras filmant les lieux «ouverts au public » (2018), il évoque notamment le décalage entre la communication et la réalité
Si cela peut être utile, l’apport de la caméra n’est presque jamais déterminant à lui seul. A Marseille, la préfecture de police a demandé aux services de police de faire des statistiques pour savoir dans combien de cas la vidéo avait été inutile, utiles ou déterminante. Sur la dernière année étudiée, on constate qu’il y a 105 faits vraiment élucidés grâce à la vidéosurveillance. Concrètement, ça veut dire que tous les trois jours, les médias locaux peuvent recevoir un communiqué de presse triomphateur de la mairie pour annoncer que grâce à la vidéosurveillance telle infraction a été élucidée. Mais la vraie question est la suivante : ce sont 105 faits d’accord, mais par rapport à combien de faits se commettant globalement dans la ville dans toute l’année ? Et là, la réalité est toute autre puisque la police nationale traite près de 60 000 faits de voie publique par an à Marseille !
En matière de délinquance de voie publique « ordinaire » (vols, rixes, dégradations, infractions routières, etc.), je montre d’abord que la contribution des images de vidéosurveillance aux enquêtes des policiers ou des gendarmes n’est évidemment pas nulle, mais qu’elle est marginale. Sur une commune et sur une année entière, les images jouant un rôle important - je ne dis même pas décisif - ne sont présentes que dans 1 à 3% du total des enquêtes. Et bien que cela fournisse des faits divers pour la communication politique et la presse, la vidéosurveillance n'a pas d’impact global sur le niveau des problèmes.
Dans un podcast (France Inter), il évoque aussi le déplacement de la "délinquance" (connu sous le nom d'"effet plumeau")
Ensuite, la vidéosurveillance conduit souvent à un simple déplacement de la délinquance. A titre d’exemple, le trafic de stupéfiants, qui se déroulait là où des caméras ont été installées, se déplace de quelques rues. En clair, le problème reste entier, il ne se déroule simplement plus au même endroit.
Il pointe un sondage effectué dans le cadre de l'étude :
sur un échantillon de 800 personnes, nous avons demandé aux habitants quelles étaient, selon eux, les actions à privilégier en matière de prévention et de sécurité. Ils étaient près de la moitié à juger qu'il faudrait en priorité « lutter contre l'échec scolaire », et plus de 40% à penser qu'il conviendrait de « développer la prévention auprès des jeunes ». Moins de 23% privilégiaient la vidéosurveillance, et autant voulaient recruter davantage de policiers.
Il n'est pas plus enthousiaste avec la VSA :
On sait que la détection en direct ne marche pas bien alors on prétend qu’il existe une «vidéosurveillance intelligente» aidée par des logiciels. C’est pour faire du commerce. Et l’étape suivante est déjà prête : les drones. C’est l’alliance des intérêts politiques et des intérêts commerciaux qui assure le succès de la vidéosurveillance.
Il regroupe aussi une liste de rapports et d'articles sur son site :
https://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2010/04/30/Videosurveillance-%3A-le-dossierLe seul rapport officiel pro-vidéosurveillance en France (Rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection, de MM. Jean-Pierre Sallaz, Philippe Debrosse, Dominique Han, pour le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales - juillet 2009) serait d'ailleurs truffé d'erreurs méthodologiques, selon Tanguy Le Goff et Eric Heilmann.
Après, une comparaison sur le terrain semble difficile. Un rapport de 2008 tente de faire une synthèse des éléments d'évaluation disponibles à l'époque. Il y a cette thèse « résultats et enseignements de l'étude d’un programme de vidéosurveillance de la Ville de Montpellier. Des évaluations ont eu lieu dans les transports en Ile de France et dans 3 secteurs de Grenoble en 2013. Mais on se heurte toujours au même problème des causes multiples :
Ainsi globalement, la vidéosurveillance semblerait participer au renforcement de la sécurité. Toutefois il faut remarquer que de nombreuses autres actions ont été menées dans le cadre des dispositifs institutionnels de sécurité et de politique de la ville, basés sur une coproduction de sécurité alliant la prévention, la dissuasion et la sanction adossée à la réparation et à la réinsertion. La présence humaine dans l’espace public (Agents Locaux de Médiation Sociale16) et dans les transports collectifs (agents d’ambiance) a été augmentée, et des investissements techniques développés.
(extrait de l'étude menée dans les transports parisiens)
Mais quelques villes ont limité le développement de caméras, comme Grenoble, ou Issy-les-Moulineaux. Avec 450 animateurs et médiateurs et un budget culture-loisirs-animation de 10M€, soit le coût d'une police municipale d'une ville de cette taille, cette commune de près de 70 000 habitants est classée parmi les plus sûres du département.
Sources :
https://www.theguardian.com/uk/2008/may/06/ukcrime1
https://www.dailymail.co.uk/news/article-564240/Billions-spent-CCTV-failed-cut-crime-led-utter-fiasco-says-Scotland-Yard-surveillance-chief.html
https://www.independent.co.uk/news/uk/crime/cctv-in-the-spotlight-one-crime-solved-for-every-1000-cameras-1776774.html
https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2010-4-page-28.htm
https://www.lemonde.fr/blog/bugbrother/2011/07/14/la-cour-des-comptes-enterre-la-videosurveillance/https://www.lemonde.fr/politique/article/2011/07/07/claude-gueant-furieux-contre-un-rapport-de-la-cour-des-comptes_1545721_823448.html
https://www.lesinrocks.com/2011/07/07/actualite/actualite/videosurveillance-les-cinq-tacles-de-la-cour-des-comptes/
https://www.lagazettedescommunes.com/dossiers/faut-il-developper-la-videosurveillance/
https://www.franceculture.fr/emissions/superfail/la-videosurveillance-un-vrai-bluff
https://www.liberation.fr/france/2018/03/23/laurent-mucchielli-la-videosurveillance-conduit-souvent-a-un-simple-deplacement-de-la-delinquance_1638345
https://www.slate.fr/story/165674/bluff-videosurveillance-limites-mucchielli
https://www.lemonde.fr/blog/internetactu/2018/06/02/videosurveillance-paradigme-du-technosolutionnisme/
https://www.franceinter.fr/emissions/l-interview/l-interview-26-mai-2018
http://www.internetactu.net/2018/06/01/videosurveillance-ou-avons-nous-failli/
https://usbeketrica.com/article/la-pretendue-demande-de-videosurveillance-est-une-construction-politique
https://www.ladepeche.fr/article/2018/10/08/2884062-laurent-mucchielli-sociologue-decalage-important-entre-promesses-resultats.html
https://numerolambda.wordpress.com/2009/10/05/rapport-videoprotection-bidon/
https://www.lemonde.fr/blog/bugbrother/2009/11/13/un-rapport-prouve-linefficacite-de-la-videosurveillance/
https://blog.mondediplo.net/2009-10-19-Videosurveillance-un-rapport-aux-ordres -
@0x joli résumé, merci ! <3
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Trop bien merci pour le taf !
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@0x Merci pour ce super résumé, qui va être très utile pour parler de l'inefficacité <3
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@klorydryk Je m'y collerai après les élections parce que là j'ai fort à faire : suis candidat moi-même à Narbonne, et grâce au super travail de Ox ça peut attendre (j'ai déjà des billes pour répondre aux jounalistes, RN et plus sans affinités).
Je posais la question pour répondre aux questions, et si je suis élu pour convaincre les citoyens, si je ne suis pas élu, pour emm------ ceux qui auront gagné les élections. -
Et aussi il y a aussi la thèse de Gormand là-dessus :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-01934594/document
et le livre d'Elodie Lemaire
https://journals.openedition.org/champpenal/11112 -
J'ajoute ce post du forum sur le rapport d'octobre 2020 de la cour des comptes sur les polices municipales qui dit entre autres :
Au vu des constats locaux réultant de l’analyse de l’échantillon de la présente enquête, aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation.
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Merci.Super
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@0x merci beaucoup !
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Il y a cette étude-ci qui est assez récente et semble plutôt solide dans sa méthodologie :
► Kaenzig R., Klauser F., 2018, Vidéosurveillance et insécurités urbaines: Etude de l’efficacité préventive du dispositif de caméras installé au quartier des Pâquis à Genève, Geographica Helvetica, 73: 63-73.
https://gh.copernicus.org/articles/73/63/2018/gh-73-63-2018.pdf
Par contre, je trouve que politiquement, c'est un terrain glissant, parler uniquement d'efficacité, c'est déjà présupposer que les objectifs sont valables et les moyens acceptables. Alors que ces deux aspects devraient aussi (surtout ?) faire l'objet de nos critiques ;)
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@lukas a dit dans Des études sur l'efficacité de la vidéosurveillance :
Par contre, je trouve que politiquement, c'est un terrain glissant, parler uniquement d'efficacité, c'est déjà présupposer que les objectifs sont valables et les moyens acceptables
Ecoute, je trouve oui. C'est d'ailleurs un malaise que j'ai souvent à partir sur ce débat là. Raison pour laquelle aussi j'ai qqs fois du mal en débat à partir sur les chiffres avancés par Muchielli - qui sont non pas sur "veut-on des caméras" mais "elles ne sont pas efficaces"
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C'est en effet un argument que nous reprenons régulièrement sur l'efficacité de la reconnaissance faciale : dire qu'elle n'est pas acceptable parce qu'elle provoque l'arrestation de beaucoup de noirs qu'elle confond avec des personnes recherchées, c'est valider la technologie lorsqu'elle sera opérationnelle.
Par contre, sur la vidéo-surveillance, il me semble qu'il y a quelque chose de différent : ce n'est pas un problème technologique qui fait qu'elle n'est pas efficace. C'est un problème bien plus profond. Qui se retrouve dans la typologie des crimes qu'on pense pouvoir arrêter avec, dans les croyances associées (les caméras ne courent pas après les délinquants), etc. -
@martin La langue est modifiée, pour que la réalité soit elle aussi, modifiée.
Des preuves "scientifiques" par des "experts" sont avancées aussi dans ce sens là, pour court-circuiter le débat démocratique, qui n'aura pas lieu... -
Je suis d'accord avec vous sur la fait que l'efficacité est un terrain glissant qui sous entend qu'une fois ce problème résolu la caméra sera un "bon" moyen sécuritaire. Si les résultats des études comme celles de Mucchielli sont des arguments intéressants et percutant, ils continuent à ancrer le débat sur le terrain technique de l'efficacité. Et la réponse est vite trouvée --> avec l'évolution technologique on va résoudre les problèmes d'efficacité donc la solution c'est la course en avant. Le rapport au parlement de Mucchielli en 2019, bien que critique, n'a absolument pas modifier la tendance il me semble. Il faudrait peut être essayer de déplacer le débat vers des questions plus politiques et philosophiques de qu'est ce que la sécurité ? et que voulons nous comme sécurité ? Je vous partage un article académique, que je trouve pertinent, et qui aborde ces questions en effectuant une approche critique de la caméra par son unique présence dans l'espace public et non sur le critère de l'efficacité : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2012-2-page-124.htm?contenu=article
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@m59 merci pour l'article, il est intéressant ! J'aime bcp :
"Si la vidéosurveillance peut être qualifiée de mur alors qu’elle a pour objectif de faire circuler, c’est parce qu’elle fait circuler selon l’ordre des choses, selon un ordre normatif puissant [...] Tout en masquant l’enfermement, elle l’engendre. Tout individu qui se sait « anormalement » présent par rapport aux buts affichés d’un lieu se sentira filmé. C’est une barrière mentale de différents ordres : elle délimite sans interdire l’entrée, elle norme sans contrainte physique et pourtant, elle contraint tout dans son champ de vision.
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@m59
Un courant marxiste s'attache à la critique de la sécurité.
On peut trouver une présentation générale de leur théorie sur wikipédia en anglais.
Il y a récemment eu une publication en français :
Christos Boukalas, Mark Neocleous, Claude Serfati. Critique de la sécurité : Accumulation capitaliste et pacification sociale. Eterotopia 2017.
Pour les amateurs, il y a un podcast avec l'éditeur du bouquin dans l'émission sortir du capitalisme. -
Sur le même aspect, celui de la critique sociale et même géographique, j'ai deux articles que je garde sous le coude, ils sont pas tout récents (début des années 2000) mais la vidéo-surveillance n'au qu'augmenté depuis :) Les deux articles viennent de chercheurs en socio-géographie en Suisse.
- Celui ci https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2004_num_81_4_2427 étudie l'impact socio-territorial des caméras qui se sont multipliées à Genève, un extrait page 640 (telle que marquée sur le papier) :
La vidéosurveillance donne en effet lieu à des transformations profondes des relations sociales au sein de l'espace public qui se basent sur le couple «voir - être vu». La logique de visibilité réciproque des relations sujet-sujet est remplacée par une logique relationnelle unilatérale sujet objet, ou encore institution - individu. L'individu surveillé n'est plus sujet de communication mais devient objet d'information, sans avoir lui-même connaissance de l'observateur. En conséquence, cette nouvelle relation sociale contemporaine entre le surveillant et le surveillé se caractérise avant tout par une inégalité concernant l'information à disposition. Cette asymétrie entre les surveillants et les surveillés s'accentue d'autant plus que la transparence du système de vidéosurveillance et la traçabilité des informations accumulées s'occulte. En outre, le caractère opaque et incontrôlable des gestionnaires des caméras est renforcé par la décentralisation et la privatisation de la surveillance par une multitude d'institutions privées et semi-privées.
Puis plus loin page 644 :
De là découlent des conséquences importantes par rapport à l'accentuation des tendances de hiérarchisation et de fragmentation du territoire. Tandis que les centrantes économiques des villes se renforcent en formant des archipels sécurisés et disciplinés, les périphéries risquent de cumuler plusieurs types de difficultés d'origine sociale.
Et ici ils parlent de deux articles de recherche qui pourraient nous intéresser aussi :
Parfois, des intérêts commerciaux sont explicitement à l'origine des initiatives d'installation de systèmes policiers de vidéosurveillance dans le centre-ville. La pression des lobbies commerciaux a été bien documentée pour la ville de Lyon (Renard, 2001). Le partenariat privé (commercial) - public au niveau de l'installation et de la gestion du système de vidéosurveillance a notamment été analysé pour la ville de Liverpool (Coleman, Sim, 2000).
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Le deuxième article / revue de recherche je l'ai trouvé dans "Vues sur la ville" une revue éditée par un labo recherche de l'université de Lausanne.
- Dans Le numéro 26 de la revue «L'urbanisme sécuritaire : de la ville bunkerisée à la ville passante» on y lit dans le premier article « Urbanisme sécuritaire : de nouvelles frontières qui alimentent le sentiment d’insécurité » on y lit :
Systèmes de vidéo surveillance, éclairages intensifs, clôtures, murs et murets, digicodes, quartiers résidentiels ultrasécurisés, que ce soit dans les grandes villes ou dans certaines villes plus paisibles, qu’il s’agisse d’espaces publics ou privés, ces dispositifs ont tendance à structurer nos espaces et nos modes de vie quotidiens. Étonnamment, l’émergence et la crois-sance de ce type de structures urbaines s’explique dif-ficilement par l’augmentation réelle de la délinquance. Le développement d’espaces sécurisés n’est significati-vement pas corrélé avec l’augmentation d’actes délic-tueux. Ce constat qui n’est pas nouveau, montre bien que le système causal d’émergence de ces formes est complexe. Cela est sans doute du à la complexité des territoires et du phénomène de l’insécurité.
L'article questionne la tendance globale actuelle, mise en place de solutions sécuritaires purement techniques (sans prendre en compte les effets psychologiques, sociaux, urbains, etc) :
La pensée qui continue à dominer la fabrication d’espaces sécurisés reste celle de la prévention situationnelle. Même si des chercheurs tels que Matthew B. Robinson (1996) et C. Ray Jeffery se sont intéressés aux effets psychiques induits par les infrastructures et les espaces sécurisés et que, depuis Jane Jacobs nous parlons du concept de territorialité, ces aspects ne semblent toujours pas être pris en considération lors de la conception de tels aména-gements. Les réponses urbanistiques aux problèmes d’insécurité restent technicistes et radicales. La sécu-rité des villes continue à se produire par un traitement différencié des espaces urbains. Considérés comme la clé de résolution des problèmes d’insécurité, les microformes sécuritaires actuelles, se limitant pour la plupart à des fonctions de frontières physiques plus ou moins hermétiques, induisent des nombreux effets collatéraux sur les sociétés urbaines.
Puis un peu plus loin :
Mais ils ne font que repousser le problème. L’effet psychique recherché est de rassurer les individus. Le succès de ce dernier reste plus discutable.Les conséquences non escomptées de ces formes sont plus nombreuses que leurs effets souhaités. Et, paradoxalement, celles-ci ont des effets pour la plupart négatifs sur les territoires. Ceux qui ressortent le plus souvent sont les suivants :- Le mitage du territoire. Les formes urbanistiques de type sécuritaires sont exclusives. Elles engendrent une marginalisation crois-sante de certaines franges de la population (en particu-lier les pauvres et les jeunes) perçues comme vecteurs de l’insécurité.
- Restructuration des tissus urbains.La ville se restructure en archipels d’espaces hermé-tiques. Ces pratiques urbanistiques forment une nou-velle structure de l’espace organisé en deux réseaux urbains qui se superposent mais qui ne se côtoient pas. Un réseau d’espaces sécurisés exclusifs et un réseaux des territoires des exclus.
- Emérgence de nouvelles marginalités.Nous voyons alors émerger des nouvelles marges. Les aménagements sécuritaires tels qu’ils sont conçus dans les villes contemporaines sont à l’origine de l’émergence de nouveaux espaces marginalisés. En effet, l’éclairage crée des ombres et des pénombres, les caméras des angles morts et les barrières phy-siques des dehors. Ceux-ci peuvent devenirs des espaces propices à la criminalité. Les dispositifs actuels ne font que déplacer les problèmes d’insé-curité
En conclusion on lit :
Enfin, si c’est véritablement de sécurtité qu’il s’agit, les acteurs de la production du territoire doivent réfléchir à des formes sécurisantes inclusives, basées sur des principes de visibilité, d’accessibilité, de terri-torialité, d’attractivité, de mixité et de qualité urbaine. Il est du ressort de ceux qui font la ville de préserver l’urbanité pour l’ensemble des habitants.Il semble inévitable que les méthodes de sécuri-sation des espaces ne peuvent plus se concevoir sans l’intégration et la coordination des politiques publiques. Il également primordial de commencer à sensibiliser les autorités, les architectes, les urbanistes, les promoteurs et d’autres acteurs de l’espace urbain aux conséquences négatives que des telles formes peuvent causer.
Le deuxième article de cette revue est une étude spatio-temporelle concrète du sentiment d'insécurité dans 5 villes suisses, on y voit les critiques faites dans le premier article ici plus haut se dessiner sur des cartes : le sentiment d'insécurité se déplace clairement du centre ville vers les périphéries avec le temps. Or, dit l'article, «l'indicateur des incivilités lui ne révèle pas du tout des tendances spatiales aussi claires». Le sentiment d'insécurité et les incivilités ne sont donc pas corrélées.