Exiger des réponses non policières aux problèmes de société...
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Certes on le fait déjà... mais voici un article d'Hubert Guillaud qui donne un aperçu des revendications anti-technopolice aux États-Unis et donne du grain à moudre, à lire sur InternetActu:
Si les annonces de moratoires dans le domaine de la reconnaissance faciale semblent soulager un certain nombre de ses opposants, il ne fait aucun doute que ces réponses des grandes entreprises de la technologie demeurent manifestement des décisions commerciales calculées et limitées qui répondent avec plus ou moins de sincérité à la pression publique du moment et aux très fortes mobilisations contre le racisme et les violences policières qui secouent les États-Unis depuis la mort de George Floyd le 25 mai 2020. Comme s’en émeut la Quadrature du Net (@laquadrature), ces décisions ne cherchent qu’à temporiser un moment difficile pour les entreprises, face à une pression publique devenue explosive, à l’heure où les Américains se soulèvent massivement contre le racisme. « Les grandes entreprises de la sécurité ne sont pas des défenseuses des libertés ou encore des contre-pouvoirs antiracistes. Elles ont peur d’être aujourd’hui associées dans la dénonciation des abus de la police et de son racisme structurel. »
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Pour Sadowski, il est nécessaire à présent de démanteler l’infrastructure de surveillance. Il ne nous faut pas trouver de meilleures pratiques pour l’utilisation éthique de technologies spécifiques, ni faire une pause le temps que la colère se calme, ni vendre la reconnaissance faciale à tout le monde autre que la police… Ces solutions laissent en place un système de contrôle devenu « trop dangereux, trop expansif et trop puissant ». Une grande partie des technologies qui alimentent la surveillance et le maintien de l’ordre n’auraient jamais dû être créées souligne-t-il, rappelant que l’interdiction d’une technologie est plus facile à atteindre que leur régulation policée et complexe. On peut certes définancer la police, comme le réclament les militants antiracistes américains, mais si ses valeurs et sa vision ne se modifient pas, son pouvoir demeure.
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Le démantèlement passe par la suppression des budgets qui maintiennent cette vaste infrastructure de police et par l’annulation de contrats lucratifs avec des sociétés de surveillance (comme Palantir, Ring, Clearview AI… pour ne citer que les plus connues). Les personnes visées par ces infrastructures de surveillance devraient d’ailleurs se voir offrir des emplois pour les démanteler. « Plutôt que d’austérité pour les écoles et les services sociaux, nous avons besoin d’austérité pour la surveillance et le contrôle social ». Pour le professeur de sociologie Alex Vitale (@avitale), auteur de La fin de la police (2017, Verso Books, non traduit), l’enjeu n’est pas tant de demander des réformes de la police que d’exiger des réponses non policières aux problèmes de société, explique-t-il au Guardian.
http://www.internetactu.net/2020/06/29/demanteler-les-infrastructures-de-surveillance-et-de-discrimination-massives/
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Un autre collectif, Data for Black Lives (@data4blacklives, créé en 2016 et fort de 4000 adhérents, répartis en antennes locales à travers tous les États-Unis), souhaite que les données soient « un outil pour le changement social plutôt qu’une arme d’oppression politique » et dénonce leurs effets sous les slogans #nomoredataweapons et #abolishbigdata (« plus d’armes de données » et « abolir le big data »). Pour sa fondatrice, Yeshimabeit Milner (@yeshican), le big data vise à accomplir les objectifs militaristes et coloniaux que remplissaient jusqu’alors les fusils et les armes utilisées à l’encontre de la communauté noire. Abolir les big data consiste à supprimer la reconnaissance faciale, la collecte de données biométriques, les évaluations de crédit, les évaluations de risque… Désormais, « la discrimination est une entreprise de haute technologie », avance-t-elle.
[...] le journaliste et romancier Tim Maughan (@timmaughan), prévient néanmoins… définancer la police ne consiste pas à la remplacer par toujours plus de technologies de surveillance. La discussion en cours sur le financement de la police américaine est stimulante, estime Maughan, mais le risque de laisser la place aux entreprises technologiques est réel. À Camdem, une ville américaine souvent citée en exemple ces derniers temps parce qu’elle a réduit depuis plusieurs années son budget alloué à la police et a développé une police de proximité, de nombreux systèmes de surveillance ont été mis en place (caméras de surveillance, surveillance par microphones, caméra thermique, système de police prédictive…) au profit de sociétés privées…
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Pourtant, réaffecter une part de budgets de la police aux programmes sociaux n’est pas sans créer de nouveaux problèmes, estime la chercheuse Dorothy Roberts (@dorothyeroberts) dans Chronicle of Social Change. Les systèmes sociaux ne sont pas toujours plus vertueux que le système de justice pénale, rappelle-t-elle : eux aussi sont souvent conçus pour réguler et punir les plus démunis.
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Merci pour le partage, c'est super intéressant :)
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Top l'article, je connaissais pas Data for Black Lives. Qq a lu "Too Smart" de Jathan Sadowski?
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Nope mais si quelqu'un.e a le bouquin ou a un résumé ça m'intéresse aussi :P